C’est par où, la sortie ?
Un soir à Sainte-Anne. Après une longue consultation, je raccompagne mon dernier patient à la porte du bureau. C’est la première fois qu’il vient : un “primo-consultant” en langage médico-technocratique.
Souvent les pauvres primo-consultants sont perdus à la fin de la consultation : après avoir parlé au psychiatre de tas de choses douloureuses, ils se retrouvent dans un grand couloir dont toutes les portes se ressemblent, et ils ne reconnaissent plus le chemin par lequel ils sont arrivés : pour sortir, c’est à droite ou à gauche ?
Ce patient est très déprimé, très insomniaque. Et aussi très drôle. La dérision lui sert, comme souvent, d’antidésespoir, sinon d’antidépresseur.
Alors – mythologie de Sainte-Anne oblige – à cet instant précis où il ne sait plus vers où aller – à droite ou à gauche ? – au lieu de demander comme vous et moi : “où est la sortie ?”, il me regarde de son oeil sombre et rigolard et me dit : “il y a une sortie ?”
J’en ris dans ma tête toute la soirée, et le lendemain encore. Merci cher patient d’avoir en une seconde effacé toute la fatigue de la journée de consultations. Malgré tes propres peines.