Effacement de souvenirs


À chaque automne, je suis sensible à la rentrée scolaire.

Je ne suis pourtant plus concerné personnellement. Mais pendant longtemps pour moi, l’automne c’était la rentrée des classes. Et j’étais submergé alors de souvenirs d’enfance de ces rentrées. Durant des années, j’ai vécu sur mon stock incroyablement riche de souvenirs personnels de rentrées des classes : odeur des couloirs, vision des portemanteaux en enfilade, frisson des cahiers neufs, des premières retrouvailles de copains, brillant des marrons tombés de l’arbre…

Puis, j’ai eu des enfants, et peu à peu, mes souvenirs personnels de rentrée des classes ont commencé à s’affaiblir : d’abord à se mélanger à ce que je vivais avec mes filles, puis à s’effacer doucement ; pas complètement, mais tout de même… Désormais j’ai plutôt le souvenir de mes propres souvenirs. Et les souvenirs les plus vivants et vigoureux à ma mémoire sont maintenant ceux de mes rentrées scolaires en tant que papa, et non plus en tant qu’écolier.

Et puis, cet automne, je n’ai accompagné aucun enfant à l’école, pour la première fois. Alors je me souviens des rentrées précédentes, avec déjà un peu de nostalgie. Et d’anticipation : un jour peut-être j’accompagnerai mes petits-enfants, si j’ai la chance d’en avoir, de les voir, et de pouvoir les conduire à l’école.

Ça me fera de nouveaux souvenirs. Et ceux-là, le jour où je commencerai à les oublier, cela voudra dire que l’heure est venue de ne plus chercher à empiler les souvenirs, à caresser mon passé, mais de vivre chaque minute au présent comme si c’était la dernière. La sortie ne sera plus très loin. Il faudra juste se dire que tout est bien.
Illustration : le Pont Neuf, à Toulouse, par Frédéric Richet.