Besoin d’un peu de solitude ?

Il y a quelques semaines, j’étais parti en Belgique pour y parler
de mon dernier livre, et j’y menais la vie d’auteur en promotion.

Le matin, par
exemple, je prenais mon petit déjeuner à l’hôtel et j’observais, puisque j’étais
seul, les autres clients, presque tous seuls, eux aussi. La plupart étaient
plongés dans leurs téléphones portables. Ce qui ajoutait encore, à mes yeux, à
la tristesse du spectacle : tous ces humains esseulés, courbés sur leurs
écrans, dès le petit matin… Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour échapper à la
solitude et à l’ennui ! Bon, ils devaient eux aussi trouver bizarre ce
grand barbu sans écran, qui les observait attentivement, en mâchouillant sa
salade de fruits ; mais c’est un autre problème…

La solitude subie, ce n’est pas très gai, et il est bien
normal de vouloir y échapper.

Il est parfois profond, ce sentiment de solitude
qui nous tombe dessus dans les moments douloureux de nos existences, les
échecs, les deuils, les exils, les chagrins d’amour. Quand les amis venus nous
consoler sont repartis et qu’on se retrouve toute seule ou tout seul devant son
miroir en train de se brosser les dents avec l’envie de pleurer, en se
demandant de quoi demain sera fait. Cette solitude là, cette « renifleuse des amours mortes », comme le chantait Barbara, celle-là n’est jamais la
bienvenue…

Mais la solitude n’est pas qu’une souffrance, elle est aussi
une voie d’accès à la vie intérieure, et à la connaissance de soi. Elle est une
occasion, parfois un peu obligée, c’est vrai, de se rendre visite à soi-même. Certains la considèrent comme une
hygiène de l’esprit, à l’image de Vauvenargues, qui écrivait : « La solitude est à l’esprit ce que la diète est au corps,
mortelle lorsqu’elle est trop longue, quoique nécessaire. »

La solitude comme
une diète ? – nous dirions aujourd’hui « comme un jeûne ? »
Oui, mais il y a une grande différence entre souffrir ne pas avoir assez
à manger – c’est la famine, et décider de moins manger – c’est le jeûne.
De même, la solitude subie – manquer de liens sociaux, n’a rien à voir
avec la solitude choisie – s’éloigner un moment, court ou long, des gens
que l’on connaît et que l’on aime, mais en sachant que notre place à leurs
côtés et dans leurs cœurs n’est pas remise en question. Cette solitude là,
transitoire, est féconde et presque confortable.

Et certains
d’entre nous ont besoin d’en avoir une dose élevée : les introvertis.
En psychologie, on définit l’introversion comme le besoin de se trouver
fréquemment seul, l’intolérance à l’excès de stimulations sociales. Les
introvertis ne sont pas forcément des misanthropes, mais fatiguent vite au
contact des autres. Je le sais, j’en suis un ! Et du coup, on pourrait les
définir comme des « solitaires sociables », aimant à la fois le
contact et la solitude, mais avec le besoin de 20% de temps sociaux et 80% de
temps de solitude. Là où les extravertis ont besoin de proportions inverses :
20% de temps de solitude et 80% de temps sociaux.

Et, vous, ce serait quoi votre pourcentage idéal de répartition entre temps
social et temps solitaire ?

Illustration : on n’est jamais seul au fond des mers !


PS : ce texte reprend ma chronique du 13 février 2018, dans l’émission de mon ami Ali Rebehi, “Grand bien vous fasse“, tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.