Comme si je ne vous connaissais pas


L’autre jour, à table, ma fille Louise reste silencieuse depuis un bon moment. Inhabituel. Alors, je lui demande à quoi elle pense. Et elle de répondre : “Depuis tout à l’heure, je vous regarde comme si je ne vous connaissais pas du tout. Et je me dis : que penserais-tu d’eux en les voyant là, comme ça, si c’était la première fois que tu les rencontrais ?”
C’est drôle, ces petits pas de côté avec le réel, ces moments où l’on s’extrait de ses automatismes et de ses jugements habituels. Et ça passionne la famille. Mais dans un sens d’abord auto-centré : nos premiers réflexes sont non pas de nous demander ce que, à la place de Louise, nous penserions des autres en faisant ce pas de côté. Mais de vouloir savoir ce que Louise pense de nous à cet instant, avec son regard frais !
Nous n’explorons le monde qu’une fois rassasiés (ou rassurés) de nous-mêmes…

PS : Si j’ai posé moi aussi à Louise la question de ce qu’elle pensait de moi ? Bien sûr. Et ce qu’elle aurait pensé de moi en m’observant ainsi attablé parmi les miens ? Que je ressemblais à un vieux fou sympathique. Ça me va tout à fait…

Illustration : un jeune fou sympathique, rencontré sur le site d’Alain de Botton.