Cornes de rennes et humanité

C’est un ami qui m’a envoyé cette photo. Il l’a prise depuis sa chambre d’hôpital, où il séjournait lors des fêtes de Noël de l’an dernier. Voici un extrait du petit mot qu’il m’avait adressé en même temps :

“La photo a été prise lors de mon hospitalisation. Il s’agit d’une photo souvenir. Les pauvres infirmières étaient toujours en retard sur leur planning. Elles avaient trop de boulot, et pas assez de temps pour approfondir les rapports humains, connaitre leurs patients, parler tranquillement avec eux, et s’éviter ainsi des appels intempestifs parce que des inquiétudes n’avaient pas été écoutées ou par simple besoin de compagnie et de dialogue. Malgré tout, elles avaient décidé de faire sourire les patients en portant des chapeaux en forme de bois de rennes…”

J’aime cette image, où la froideur bleutée de la chambre d’hôpital est éclairée par la lumière jaune et chaude dans laquelle apparaît l’infirmière, riant avec ses cornes de renne sur la tête, réconfortante malgré tout, malgré son éloignement, malgré le fait qu’on devine qu’elle ne fait que passer, qu’elle a plein d’autres patients à aller voir.

Lorsqu’on est malade, on devient hypersensible et ultra-réceptif à tout, une éponge à ambiances et à émotions. L’indifférence d’un soignant devient angoissante, sa froideur est perçue comme agressante. On a un besoin immense de douceur, de gentillesse et d’écoute.

Parfois, ce besoin est illimité et épuisant, presque impossible à satisfaire, parfois les patients sont eux-mêmes agressifs et désobligeants. Mais pourtant, nous autres soignants, devons tout faire pour donner de la chaleur et de l’écoute à celles et ceux que nous soignons.

Il s’agit parfois de peu de choses : prendre un peu de temps pour sourire, regarder dans les yeux, s’asseoir à leurs côtés, leur poser la main sur l’épaule. Même si cela ne dure pas longtemps, même si les patients comprennent que nous ne pouvons pas nous éterniser, il faut le faire ne serait-ce que quelques minutes.

Sans ce don d’attention et de gentillesse, il n’y a pas de soin possible.

Sans ce don, nous ne faisons que traiter les maladies pendant que nous maltraitons les malades.

Illustration : une chambre d’hôpital un soir de Noël.