Dors en paix, pépé
Bon allez, je ne peux pas résister, après mon billet d’hier, au plaisir de vous raconter un souvenir de mon enfance, un grand petit moment !
En face du Café Riche, où mon grand-père m’amenait souvent boire une grenadine, il y avait un de ces magasins qu’on appelait à l’époque un « bazar », c’est-à-dire qu’en gros on y trouvait tout ce qui n’était ni alimentation ni vêtements. Il y avait des balais, des cartouches, des casseroles, de la lessive, des peignes… et des jouets ! Plein de jouets, une vraie caverne d’Ali Baba.
À l’époque, on avait moins de jouets que les enfants d’aujourd’hui, alors on était encore plus fascinés par eux.
Un jour que nous nous baladions avec mon grand-père, nous tombons devant la vitrine du magasin, qui venait d’être refaite : fabuleux ! Une scène du Far-West, avec plein de « petits soldats » : un village indien avec une tente et des guerriers à pied et à cheval ; plus loin, des cow-boys qui s’approchaient, avec une diligence ; plus loin encore, un fort de soldats, genre Fort-Alamo.
Avec mon grand-père, nous nous arrêtons, et nous commentons la scène pendant un bon moment. Puis au moment où nous allons repartir, il me regarde avec un sourire bizarre, et il me dit : « viens, on va rentrer dans le magasin ». Comme il connaissait tout le monde à Ganges, je me dit qu’il va bavarder avec le patron. Mais une fois rentrés, je l’entends dire : « on prend toute la vitrine, pour le petit ! » Et nous repartons avec un grand carton où tout a été soigneusement déposé par la vendeuse…
C’est drôle comme la bouffée de bonheur intense qui m’a alors imprégné a fixé pour toujours ce souvenir dans ma mémoire. J’en ai évidemment plein d’autres de mon grand-père, mais avec le recul, c’est toujours celui-là qui m’impressionne et m’émeut le plus. Parce qu’il n’était pas riche du tout. Et que ce jour-là, il avait sûrement cassé sa tirelire, juste pour prolonger cet instant d’émerveillement enfantin que nous venions de partager tous les deux…
Merci pour tout Papi, c’était fantastique de t’avoir connu !
PS : En hommage à vos grand-pères, écoutez la fabuleuse chanson du fabuleux Claude Nougaro : Berceuse à Pépé. Et lisez ses paroles belles et sobres.