Grand-père


C’est un de mes amis qui est devenu grand-père. Ce n’est pas un grand expansif, il vit ça sobrement, sans grandes déclarations. Mais ça lui plaît.
Lors des vacances de Toussaint, nous avons passé quelques jours ensemble dans une grande maison de vacances où il y avait tout plein de monde, dont sa fille et sa petite-fille. Un après-midi où la maison était calme, alors que presque tout le monde était parti en ballade, lui et moi étions restés. Moi pour bouquiner et lui pour s’occuper de sa petite-fille. J’étais à un bout de la grande pièce et lui à l’autre. Il m’avait complètement oublié.
Et à un moment, plongé dans mon livre, je l’entends qui fait des bruits bizarres, des petits grognements tendres. Je lève la tête discrètement : c’était mon pote, qui poussait ces petits cris primitifs en donnant le biberon, pour causer avec le bébé, les yeux plissés de bonheur, un petit sourire au coin des lèvres.
Comment dire ? Ce tout petit instant m’a bouleversé plus que tous les grands discours possibles sur le bonheur d’être grand-père. Cet amour paléolithique qui sortait du fond de sa gorge et de la nuit des temps m’a ému jusqu’aux larmes.

Illustration : Jean-Étienne Liotard, Fillette à la poupée.