Kongo Rikishi n’est pas content
Lors d’un voyage au Japon, je me promène dans le musée d’un temple, à Nara, ancienne capitale (autrefois, ça changeait beaucoup : chaque fois qu’un empereur mourait, le nouveau choisissait une autre ville de résidence).
Je tombe sur plein de merveilles, et notamment sur ces deux statues, assez terrifiantes : elles représentent Kongo Rikishi, un des gardiens traditionnels du Bouddha placés à l’entrée de nombreux temples orientaux pour faire reculer les démons. Sorte d’Hercule, toujours très musclé et manifestant une colère destinée à intimider, il est souvent figuré deux fois : bouche ouverte et bouche fermée.
Je ne peux pas m’empêcher de penser aux deux formes de visages de colère repérées par les psychologues évolutionnistes : colère à bouche fermée (que nous essayons de contenir, mais non de cacher) et colère à bouche ouverte (c’est parti…).
Et de fait devant ces grandes statues, dans ce recoin désert du petit musée, je ressens comme un petit enfant la fonction relationnelle de la colère : intimider, susciter de la peur, et faire reculer l’adversaire, l’intrus ou le contradicteur. Moi qui n’aime pas affronter des personnes en colère, je reste un moment à méditer devant ces Dupont et Dupond du Bouddha, histoire de me désensibiliser un peu…
Illustration : les deux Kongo-Rikishi du temple de Kohfuku-ji, à Nara, Japon (12 ou 13ème siècle après JC).
PS : en réalité, bouche fermée et bouche ouverte expriment aussi deux phonèmes (« A » pour l’ouverte, et « MMM » pour la fermée) associés au commencement et à la fin de toutes choses (un peu comme nos Alpha et Omega chrétiens).