Lectures d’enfance

Si je me retourne vers les premiers livres qui ont marqué mon enfance, et dont je me souviens très précisément (leur couverture, les lieux où je les lisais), trois d’entre eux émergent tout de suite…

Oui-oui et la voiture jaune.

J’ai quatre ans, je sais déjà lire (aucun mérite, ma mère est institutrice). Pour mon anniversaire, mon père décide donc de m’offrir un « vrai livre » de la bibliothèque rose. Je suis très déçu : je rêvais évidemment d’un jouet, et on m’offre un bouquin avec plein de mots, plein de pages, et pas beaucoup de dessins, en plus ! J’ai refusé d’y toucher pendant plusieurs jours. Puis je m’y suis mis, à contrecoeur. Et je l’ai évidemment dévoré d’un seul coup. Depuis ce premier « vrai livre », je suis devenu un lecteur fou. Merci Papa, merci Maman !

Le Petit Nicolas.

Je le découvre vers huit ans, en épisodes dans le journal Pilote, qu’un copain d’école me prête toutes les semaines. De vrais enfants (pas comme dans la Comtesse de Ségur) et de la vraie vie (pas des aventures mystérieuses et improbables). Des bagarres de cour de récré, des billes, des fayots, des bavardages. Ce petit monde réel plein d’interactions qui sonnent juste me ravit. Prémisses de mon goût pour la psychologie de la vie quotidienne ? Et ce petit détail exotique qui me fascine alors, les prénoms très chics des héros : Eudes, Alceste, Marie-Edwige…

Le Livre de la jungle.

Cadeau de Noël ou d’anniversaire, vers neuf ans. Dans la belle édition Delagrave, avec des illustrations de Paul Durand. Découvrir un monde sans humains, évoluer dans un Eden menaçant, marcher tout nu dans la forêt aux côtés de Baloo et Bagheera. Un lien à la vie sauvage, dans ces années 60 qui étaient celles des fusées vers la Lune et du formica. Pour mimer les combats contre Shere Kan, je m’enferme des heures dans ma chambre, en slip, armé du simple poignard en plastique de ma panoplie de sioux. Le goût de la nature m’est resté, mais je n’ai plus besoin de changer de tenue…

Et je demande aujourd’hui si mes lectures d’adulte auront le même poids sur ma vie, lorsque j’en ferai le bilan un jour ? Il me semble bien que oui : chaque année, plusieurs livres me tourneboulent et m’émeuvent, et laissent en moi des sédiments féconds, dont je sens qu’ils me changent et me font évoluer.