Love, love, love

Il y a des gens qui disent en avoir “marre de la bienveillance” et des bons sentiments, lorsqu’on les évoque (trop, selon eux) dans les médias.

D’abord, que moi je n’en ai pas marre de la
bienveillance ! J’en aurais plutôt marre de l’égoïsme, de l’incivisme, du
cynisme. La bienveillance, je trouve qu’il y a encore beaucoup de place pour en
accueillir davantage dans notre quotidien et notre société !

Quand on est bienveillant, on fait du bien à son prochain,
ce qui représente déjà une raison suffisante pour l’être.

Mais on s’en fait aussi à soi-même. Attention, je ne parle
pas de l’autosatisfaction, du plaisir qu’il pourrait à y avoir à se montrer
bienveillant (encore que, pourquoi pas ?). Non, je parle de l’état de
notre corps. Avez-vous déjà observé dans quel état est votre corps quand vous
pensez et agissez avec bienveillance, amour, affection, gentillesse ? Et à
l’inverse, avez-vous pris le temps d’observer dans quel état la colère,
l’agacement, la mesquinerie, l’envie, le ressentiment mettent ce même
corps ? Eh oui, la bienveillance est bonne pour ceux qui la reçoivent et
aussi pour ceux qui l’émettent.

Et puis, au-delà de nos petites personnes, elle est importante
pour toute forme de vie en société : la bienveillance aide à s’entraider
pour affronter les difficultés et l’adversité, à se faire confiance et à
s’apprécier les uns les autres. Elle embellit les rapports humains : c’est
elle qui est la source du respect, du sourire, de la politesse, de l’écoute
pour les inconnus ; de la tendresse, du réconfort, de l’affection, de l’amour
pour les proches. Si tout ça n’existe pas, alors à quoi bon vivre ?

La bienveillance est très importante donc. Tellement importante
qu’on en attend peut-être trop… Un peu comme avec l’amour, dans les années 60
et 70. Ah ! l’idéal baba-cool… Quand on pensait, comme les Beatles, en
1967, que chanter la paix et l’amour, le fameux slogan hippie Peace and Love, pouvait les faire
advenir…

Changer le monde par l’amour et la bienveillance ! Ça
serait bien, et ce serait une manière agréable de faire.

Mais hélas, la bienveillance ne suffit pas.

Elle est une base merveilleuse pour les rapports entre
humains, mais elle ne peut pas servir de pratique politique. Elle ne fait hélas
reculer ni les tyrans ni les terroristes. Sa propagation aide à changer les
esprits et les habitudes. Mais ce qui fera décliner la violence, par exemple,
ce n’est pas la seule bienveillance. Ce qui fait reculer la violence dans le
monde depuis des siècles, puisqu’on sait aujourd’hui que la violence recule, ce
sont les lois et les règles, l’émergence d’états organisés et démocratiques, les
échanges et le commerce qui forcent les humains à se parler les uns les autres,
l’amélioration de la condition des femmes, l’accès à l’école et à l’éducation…

Mais, ce qui rend le quotidien vivable depuis des siècles,
depuis toujours, c’est la bienveillance que nous recevons et donnons
régulièrement. Elle est, tout simplement, la composante essentielle et indispensable
de toute vie en société.

En
plus, quoi de plus simple ? Il est sans doute très difficile d’être toujours
bienveillant, à moins d’être un saint. Mais il est tellement facile de l’être
plus souvent…

Illustration : une manifestation pacifique en faveur de la bienveillance (David Plowden, 1964).


PS : ce texte reprend ma chronique du 17 octobre 2017, dans l’émission de mon ami Ali Rebehi, “Grand bien vous fasse“, tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.