Mamma ! Perché mi hai fatto cosi bello ?
Quand j’étais étudiant, nous partions souvent en vacances en bande de copains, parmi lesquels mon pote italien Massimo. Massimo était (et est resté) un personnage jovial, toujours prêt à rire de lui comme des autres, et féru de psychologie. Un matin, alors que nous étions plusieurs dans les toilettes d’un camping, en train de nous raser face aux lavabos, il arrive après tout le monde, comme à son habitude, s’installe en chantant, se douche, se rase. Puis, il contemple un instant le résultat de tous ces soins dans le miroir, se caresse les joues, tourne la tête à droite, à gauche, avance, recule, avec l’air ravi de celui qui découvre ou redécouvre un merveilleux spectacle. Et finit par s’écrier : « Mamma ! Perché mi hai fatto cosi bello ? » (Maman ! Pourquoi m’as-tu fait aussi beau ?) Éclat de rire général dans le groupe, grosses blagues pour le remettre à sa place. Mais Massimo s’en fiche, il rit encore plus, et repart en sifflotant se choisir une belle chemise pour la journée. Quelques secondes de silence suivent son départ. Il me semble entendre chauffer les neurones : combien d’entre nous, dans le groupe, sont en train de se demander si eux aussi se trouvent beaux, se plaisent ainsi à eux-mêmes ? Et combien d’entre nous sont capables d’avoir de telles pensées spontanément et joyeusement positives en se regardant dans le miroir, chaque matin ? Massimo est content de lui, mais jamais frimeur ni prétentieux. Il s’aime bien c’est tout.
Illustration : Le Roi, de Grégoire Solotareff