Orange et roux : vive la diversité !
Bon honnêtement, et sans vouloir vexer personne, je m’en fiche un peu de la couleur orange et des gens roux. Et aussi des blonds, des bruns, des auburn, des dames âgées aux cheveux violets... Un humain, c’est un humain, quelle que soit la couleur de ses poils de tête…
Ça me rappelle une histoire arrivée récemment à une de nos amies. Sa fille aînée lui parlait depuis des mois de son nouveau petit copain. Et un jour elle propose de lui présenter. Notre amie, trop contente, organise un petit thé à la maison. Le copain arrive, il est charmant et tout se passe très bien. Mais quand il repart, notre amie dit à sa fille : « il est super ton copain, mais tu ne m’avais pas dit qu’il était noir ! » Et sa fille, très étonnée, de lui répondre : « ben non, pourquoi ? » C’était un détail que la maman avait remarqué, mais que sa fille avait oublié. Très bon signe pour l’évolution de nos sociétés : ça bouge, ça bouge, et dans le bon sens.
Attention, tout n’est pas parfait, loin de là, et l’actualité récente nous montre que les « ismes » de tout poil (racisme, sexisme, antisémitisme et autres fléaux idiots) ne sont pas encore en voie d’extinction. Il faut du temps pour les extirper de nos cerveaux ; même lorsque nous sommes de bonne volonté, comme notre amie avec le copain de sa fille. Les personnes rousses, par exemple, ont longtemps mal vues, et parfois même considérées comme maléfiques…
Dans la nature, la biodiversité est toujours une chance et une richesse. Toujours ! Plus il y a de variétés de plantes, d’insectes, d’animaux de tous genres et de toutes apparences, plus le monde va bien. Et notre moral aussi : des recherches scientifiques montrent qu’évoluer dans un environnement marqué par la diversité, même si nous ne nous en rendons pas compte consciemment, fait du bien à notre esprit.
Mais il y a une autre diversité qui me tient à cœur : la psychodiversité. Le fait que nous n’ayons pas toutes et tous le même caractère, les mêmes idées, les mêmes préférences, etc.
Ça nous agace parfois, que les gens ne pensent pas comme nous, ne partagent pas nos convictions, ne se comportent pas comme il le faudrait, à nos yeux. Qu’ils n’aient pas les mêmes idées que nous, qu’ils ne fassent pas les mêmes erreurs que nous !
Pourtant c’est une bonne chose ! Si nous avions tous le même avis, quel ennui ! Et quel danger aussi ! C’est d’ailleurs un des nombreux problèmes des réseaux sociaux : nous prenons peu à peu l’habitude de ne fréquenter par écran interposé que des gens pensant comme nous. Et on devient du coup de plus en plus raide et intolérant envers le reste du monde…
Non, vraiment, c’est une chance, la psychodiversité. Et même les casse-pieds ! Tout le monde est utile à une société humaine. Pensez au casting des marins de Christophe Colomb quand il part à l’aventure sur l’Atlantique, sans savoir ce qu’il y a de l’autre côté. Il avait besoin à son bord d’un bon pourcentage de psychopathes fonceurs et bagarreurs pour entraîner tout le monde, mais aussi de quelques anxieux pour vérifier qu’on embarquait assez de vivres et d’eau, de quelques histrioniques pour faire le spectacle sur le pont pendant la traversée, de quelques obsessionnels pour vérifier chaque jour les fuites d’eau dans la cale… Bref s’il n’avait pas eu à son bord un ramassis de casse-pieds, il n’aurait jamais atteint son but.
D’ailleurs, le meilleur endroit où chercher la sagesse est là où nous nous attendons le moins à la trouver : dans l’esprit de nos détracteurs et contradicteurs. Logique : nous connaissons déjà très bien nos propres idées et celles des gens qui pensent comme nous, alors pour progresser il faut faire l’effort de connaître celles de nos adversaires. Ce qui ne nous oblige pas pour autant à penser comme eux.
Moralité : même si ça nous demande des efforts parfois, vive la psychodiversité, vive la biodiversité ! Et pour revenir à notre sujet, vivent les personnes rousses et la couleur orange !
Et vous, sûrement que vous adorez la couleur orange et les personnes rousses, mais faire l’effort d’écouter et d’aimer les casse-pieds, vous y arrivez ?
Illustration : une belle exposition sur la rousseur, aux Musée Henner à Paris, de février à mai 2019.
PS : ce texte reprend ma chronique du 19 février 2019, dans l’émission de mon ami Ali Rebehi, “Grand bien vous fasse“, tous les jours de 10h à 11h sur France Inter. Également disponible en vidéo.