Se convertir à l’optimisme
Pendant longtemps, j’ai été pessimiste.
J’avais l’impression que le pessimisme faisait de moi un humain plus lucide, plus intelligent, plus réaliste, mieux préparé à affronter toutes les adversités que j’avais imaginées.
J’avais tort.
La vie m’a ouvert les yeux. La vraie vie : pas celle qu’on se raconte dans sa tête, mais celle qui se déroule sous nos yeux, pour peu qu’on les ouvre. En observant de plus près les pessimistes, donc, j’ai vu à quel point d’une part être pessimiste rendait malheureux et d’autre part ne préparait pas du tout à mieux s’en sortir en cas de malheur. Au contraire, voir vivre des optimistes me faisait comprendre peu à peu qu’ils étaient plus heureux et tout aussi capables d’affronter l’adversité quand elle arrivait.
Les études scientifiques conduites sur ce thème confirment à peu près toutes la chose : la plupart du temps, les optimistes vont mieux, et s’en sortent mieux. Par exemple en médecine, ils prennent mieux soin d’eux quand ils sont malades (ils ont confiance dans le fait qu’il est possible de guérir, là où les pessimistes pensent volontiers qu’ils sont foutus et que rien ne pourra marcher) ; puis, ils profitent mieux de la vie quand ils sont guéris.
Alors j’ai décidé de me convertir, décidé d’avoir la foi moi aussi, la foi en l’avenir, de faire l’effort de considérer que le pire n’était pas certain, juste possible. Et que pour l’affronter, mieux valait avoir l’énergie de l’optimisme que le découragement du pessimisme. Mais quel boulot ça a représenté, et quelle fatigue parfois ! C’est épuisant de suivre le rythme des optimistes…
Comme je ne l’avais pas appris à être optimiste petit, j’ai du faire le boulot une fois devenu grand. J’ai méthodiquement pris le temps de vérifier si toutes mes prédictions négatives se réalisaient : c’était minable ! Heureusement que je suis devenu psy, et pas voyant, je serai mort de faim…
Et en plus ça me fatiguait et me stressait pour rien. Je passais mon temps à imaginer le pire, et à chaque fois qu’il ne survenait pas, au lieu de me réjouir et de réfléchir, je me disais : « oui, mais ça aurait pu arriver » et je ne touchais pas à mon pessimisme. J’ai pris le temps aussi d’observer les optimistes : certes, de temps en temps ils se trompaient dans leurs prédictions ; et alors ? Mieux vaut quelques déceptions et une vie joyeuse, plutôt qu’avoir parfois raison dans une vie peureuse.
Au fait, c’est quoi l’optimisme ? C’est une attitude mentale avec des conséquences comportementales. Attitude mentale : face à un problème, supposer que des solutions existent, même imparfaites, même incomplètes. Conséquences comportementales : agir pour que ces solutions existent. L’optimisme ne consiste pas à croire qu’il n’y aura pas de problèmes, mais à se bouger pour engendrer des solutions.
Vous avez remarqué que j’ai dit « attitude » et pas « personnalité », car aujourd’hui j’en suis persuadé, nous portons en nous les 2 capacités, à l’optimisme et au pessimisme. Et l’idéal me semble être d’utiliser les 2 ! Un peu de pessimisme pour scanner les dangers possibles, et beaucoup d’optimisme pour activer confiance et énergie afin de leur trouver des solutions. Marchons sur nos 2 jambes au lieu d’avancer à cloche-pied sur la jambe optimiste ou la pessimiste…
Illustration : quelques citoyens pessimistes à propos de l’instant suivant…
PS : ce texte reprend ma chronique du 4 septembre 2018, dans l’émission de mon ami Ali Rebehi, “Grand bien vous fasse“, tous les jours de 10h à 11h sur France Inter. Également disponible en vidéo.