Faire pipi
C’est lors d’un débat public (avec Pascal Bruckner, lors d’un Forum Libération à Rennes, sur le bonheur). Une jeune femme me pose la question de la différence entre plaisir et bonheur. Je ne sais pas pourquoi (c’est bizarre ces idées qui viennent à l’esprit en réflexe, sous la pression des regards, de l’urgence, de l’excitation) je parle de faire pipi :
« Lorsqu’on a très envie de faire pipi, c’est incontestablement un plaisir de pouvoir le faire. Mais pas forcément un bonheur. Le plaisir est ainsi plus nécessaire, plus organique, plus bref. Mais il n’empêche pas le bonheur. Par contre, ce dernier nécessitera un acte de conscience : réaliser qu’on a de la chance d’avoir un corps qui marche bien et nous permette de faire pipi. Alors, cela commencera à prendre un petit goût de bonheur… »
Puis, je continue mes explications sur la lancée, rassuré de voir que ma comparaison urinaire ne choque pas le public (au contraire).
Après la conférence, il y a une séance de dédicaces, et parmi tous les petits bavardages qu’elle permet avec mes lectrices et lecteurs, il y a – comme presque toujours – un grand moment : une dame me reparle de l’histoire du pipi.
« J’ai été très interpellée par votre histoire du petit pipi, vous savez pourquoi ? À la suite d’une insuffisance rénale, j’ai été en dialyse pendant des années. Vous êtes médecin, vous savez ce que c’est. Et le jour où j’ai pu bénéficier d’une greffe de rein, j’ai recommencé à faire pipi normalement. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point j’en étais heureuse ! Moi, j’ai adoré votre exemple ! »
Et moi j’ai adoré qu’elle vienne me raconter cette petite histoire. Je l’ai un peu questionnée : plus de 10 ans qu’elle vit sans problèmes avec ses nouveaux reins. Je lui souhaité tout plein de pipis heureux pour les années à venir…
Illustration : un livre drôle et bien documenté sur toutes les sortes de toilettes qui existent de par ce vaste monde…