Gratin de courgettes


Ça se passe chez des cousins qui nous ont invités, avec d’autres amis et cousins, dans leur maison à la montagne. Nous arrivons tard le soir et la cousine nous improvise gentiment un repas avec ce qu’elle trouve dans sa cuisine.
« Tiens, il y a du gratin de courgettes. Quelqu’un en veut ? Non ? Christophe, toi qui aimes les légumes, tu en veux un peu ? Non ? Bon, ben, je le mets tout de suite à la poubelle, ça fait plusieurs jours qu’il traîne au frigo… »
J’éclate de rire, et elle met quelques secondes à comprendre pourquoi, puis se met à rire elle aussi, un peu embarrassée mais sans plus : elle est comme ça, la cousine, spontanée et franche du collier, comme on dit. Et très gentille aussi.
Bien sûr que dans sa tête, la séquence n’était pas préméditée : « 1) je veux jeter ce truc, 2) mais je tente – au cas où – de le caser à quelqu’un, 3) je le jetterai si personne n’en veut. »
Et que c’était plutôt : « 1) tiens, il reste un peu de gratin, 2) peut-être quelqu’un en mangera, 3) le refus me fait penser que ça va traîner au frigo, 4) allez zou, on jette… »
Mais après le repas, alors que tout le monde bavarde au coin du feu, je repense à ce petit moment : la frontière entre la maladresse et l’offense est bien ténue. Si je n’ai pas été vexé mais amusé, c’est que j’aime bien la cousine et que je sais qu’elle m’aime bien. Sans ces certitudes, l’histoire du gratin serait peut-être moins bien passée. Comme quoi, ce qu’on appelle la contextualisation et le recul restent totalement nécessaires pour une bonne digestion psychologique des événements de vie. C’est pour ça aussi, d’ailleurs, que j’aime la psychologie positive : elle nous confirme scientifiquement que la bonne humeur donne justement ce recul et ces capacités de contextualisation.

Ilustration : détail du Repas de noces, de Bruegel.