Guérir, vieillir


Jules Renard écrivait dans son Journal : “Maladie : les essayages de la mort”. Pauvre Jules, qui est mort jeune d’ailleurs, il devait le sentir venir.
En tout cas, se sentir malade (pas méchamment, une grippe ou une grosse sinusite) déclenche parfois de drôles de pensées.
Depuis quelques années, quand je suis malade, je me sens très vieux. Je me dis que ça doit ressembler vaguement, cet état où on a mal partout, où tout nous fatigue, où on n’a envie de rien que de se coucher sur le flanc et qu’on nous laisse tranquille, que ça doit ressembler au grand âge, à ce qu’on ressent à 90 ans ou 100 ans.
Alors qu’il me semble qu’autrefois, quand je tombais malade, ça me rappelait mon enfance, les jours où on restait au lit sans aller à l’école, trop contents («tiens, là, ils sont en cours de maths ; et là, à la cantine»).
À quel âge ai-je commencé à ressentir la maladie différemment, non comme une récréation, une parenthèse, mais comme une menace ou une répétition générale de mon vieillissement ? Je ne m’en souviens pas du tout.
En tout cas, pour ne pas me morfondre, je me concentre maintenant sur le seul intérêt qu’il y a pour un adulte à tomber transitoirement malade : la jubilation de la guérison. Ne plus avoir le corps fiévreux et douloureux, avoir envie de sortir, de manger, de parler, de s’asseoir au soleil. Tout à coup comprendre charnellement la chance que nous avons d’habiter un corps en état de marche.