Nouveaux piétons


Il y a, évidemment, toutes sortes de piétons dans cette non-nature qu’est la jungle urbaine.
Les disciplinés, qui attendent pour traverser que leur petit bonhomme passe au vert. Sans histoires.
Les pressés-inquiets, qui traversent parfois alors qu’il vient de passer au rouge, mais qui surveillent les automobilistes du coin de l’œil, leur faisant un petit signe de remerciement pour les dissuader de les écraser, accélérant le pas pour montrer qu’ils se savent en tort et qu’ils ne veulent pas abuser.
Et puis il y a ceux qui s’en fichent, qui traversent au moment où ça les arrange sans un regard pour les voitures qui freinent, ni une oreille pour les coups de klaxon ; ils savent bien qu’on ne va pas les écrabouiller comme ça. Et qu’ils ne risquent rien d’autre que se faire houspiller.
Souvent, ça agace les conducteurs de véhicules, qui en appellent à la perte du respect des lois. Parfois ça m’agace moi aussi, quand je suis en scooter, en retard, que je dois piler, et que je crois voir mépris et arrogance dans l’attitude du piéton hautain qui s’impose à moi en traversant lentement, sans me jeter un regard. Cette « dictature du faible » m’irrite un peu. Il me semble qu’il y a le même abus de pouvoir chez certains piétons d’aujourd’hui que chez certains automobilistes d’hier : la même loi du plus fort, le même sale esprit « pousse-toi que je passe ».
D’un autre côté, je me dis que ce n’est pas grave, et que c’est plus important un piéton qu’une voiture. Et puis, l’autre jour, j’étais de tellement bonne humeur, que je me suis même dit : tu préfères quoi ? Une ville et une société où les piétons ont très peur des autos, et où ils tremblent avant de traverser ? Ou une ville et une société où, finalement, les forts du moment, dans leur tas de tôle, leur machine à tuer, doivent s’incliner devant les faibles ?
Le choix est vite fait, vous ne trouvez pas ?