La dernière dent
L’autre jour, j’anime un atelier de psychologie pour des collègues chirurgiens dentistes.
À un moment, nous parlons de situations délicates avec les patients, et l’un d’entre eux me raconte cette histoire : une dame âgée, environ 75 à 80 ans, qui vient pour se faire extraire sa dernière dent.
Lui ne se méfie pas, ne sent pas venir le coup. Il arrache la dent, sans trop d’états d’âme, surtout centré sur la qualité technique de son geste pour qu’elle n’ait pas de complications ensuite.
Et au moment où il dit, ravi, à la patiente : « Eh bien, voilà, tout s’est bien passé, ce n’était pas un gros souci, finalement ! », elle s’effondre en larmes.
Un peu étonné, il pense d’abord lui avoir fait plus mal que prévu. Puis, la voyant inconsolable, il réalise tout à coup ce qui vient de se passer : la douleur n’est pas physique, mais psychique. Pire, même : morale, existentielle.
Elle n’a plus de dents, plus une seule dent. Et mon collègue comprend, soudain : la symbolique de la dernière dent lui bondit à l’esprit. Alors il commence à vraiment parler à sa patiente, à vraiment la comprendre et essayer de la consoler.
Jamais anodin de toucher à notre corps, surtout lorsque nous avons amorcé la pente du vieillissement ; ou du moins lorsque nous sommes devenus conscients de cette pente, qui en fait commence le jour de notre conception.
Illustration : une tentative pour que les jeunes patients aient moins peur du dentiste ; personnellement, je trouve ça encore pire, mais bon, ce n’est que mon avis ; au moins, c’est méritant de la part de la dentiste d’avoir essayé…..