La petite fille qui voulait être une maman


L’autre jour, je bavarde avec une petite fille (10 ans). Très sérieuse, elle m’annonce qu’elle adore les bébés, et qu’elle veut en avoir trois ; elle a déjà les prénoms en tête, et tout ça. Sa maman me confirme que c’est sa passion, s’occuper des bébés qu’elle croise; et qu’effectivement, elle parle très souvent de ce projet de maternité.

Je me dis : «c’est mignon, et c’est drôle cette vocation si précoce».
Et puis, comme ce jour-là je suis un peu dans le spleen, je me dis ensuite : «la pauvre, si par hasard elle ne peut pas avoir d’enfants, elle sera du coup deux fois plus malheureuse qu’une petite fille à qui ce projet serait venu une fois devenue grande».
Et puis, encore un peu plus tard, alors que je fais une petite ballade sous la pluie, et que sans doute je suis en train d’aller mieux de mon spleen, une autre pensée arrive toute seule à mon esprit : “même si ça lui arrive, de ne pas avoir d’enfant, elle sera sans doute plus maligne que toi, et elle s’en sortira autrement qu’en gémissant et regrettant ; en aimant les enfants des autres, par exemple, ou en ayant une belle vie.”
Je me sens mieux pour elle, et au lieu de penser à notre échange en me disant “pourvu qu’elle ait des enfants”, je me dis “pourvu qu’elle soit heureuse.”

Et là, bizarrement, je ne doute pas qu’elle le soit.

Illustration : fillette à la poupée, par Liotard.