Leçon de psychothérapie


J’aime bien recevoir des leçons, plus encore qu’en donner. L’autre jour, j’ai reçu une leçon de psychothérapie de la part d’un musicien.
Juste avant une conférence à Reims, où j’avais parlé des états d’âme, un petit concert avait eu lieu, de la part d’un duo talentueux : Naturalibus.
Après la soirée, il y avait un petit cocktail avec les organisateurs et quelques uns de leurs amis et invités. Je bavardais avec le guitariste et compositeur du groupe, lorsqu’une dame s’approche, et commence à nous raconter ses problèmes avec un de ses enfants. Je vous passe les détails pour ne pas trahir de secret, même si ce n’était pas une consultation. Mais en gros, ça se passait très mal, et elle en souffrait beaucoup.
Le souci, c’est qu’il était déjà 23 heures, que j’étais fatigué par ma semaine, le voyage, la conférence : je n’avais plus de jus (comme on dit lors d’un match de rugby). Je voyais bien que ce n’était pas simple, qu’il aurait fallu, avant de la conseiller, comprendre l’histoire de leur relation, tout ce qu’elle n’avait pas fait, ce qu’elle avait mal fait, ce qu’elle aurait pu faire, ce que son enfant lui permettrait ou non de faire… Trop long, trop compliqué… Pas envie, pas ici, pas maintenant… Je me triturais ainsi l’esprit, en me disant « tu ne peux pas non plus laisser cette pauvre dame sans réponse et sans soutien » lorsque le jeune guitariste intervint, avec un bon sourire : « C’est vrai, il vous fait du mal, mais vous savez, on ne s’en prend jamais qu’à nos proches : plus on aime, plus on fait souffrir. »
Le visage de la dame s’éclaira un peu. Rien n’était changé, mais cette simple phrase avait porté. Intelligente : elle ne niait pas la réalité des souffrances, mais elle les replaçait dans un contexte moins absurde et moins douloureux. Une belle intervention psychothérapique.
J’étais ravi, et soulagé. Pas du tout vexé que ça ne soit pas venu de moi. Et j’ai pleinement savouré cette leçon de simplicité et de naturel.

Illustration : la célèbre Berggasse, à Vienne, où vécut et exerça Sigmund Freud ; sa maison, devenue musée, est indiquée par un grand panneau rouge… Vous pouvez cliquer pour agrandir l’image.