Les bonnes vibrations de la méditation
Quand je me tourne vers mon passé de méditant, de nombreux souvenirs me reviennent, tous heureux…
Ma première retraite dans un monastère bénédictin, avec un
moine dans la chambre à côté de la mienne qui ronflait tellement fort chaque
nuit que les cloisons en vibraient… Les séances de printemps avec nos patients
de Sainte-Anne dans les jardins de l’hôpital, pieds nus dans l’herbe, à écouter
en pleine conscience la rumeur de la ville tout autour de nous, et l’étrange
sentiment de fraternité universelle qui nous reliait alors … Mes larmes
sereines lors de la sortie d’une retraite silencieuse de plusieurs jours, et
l’émerveillement de pouvoir à nouveau parler et dialoguer…
Je suis émerveillé par ce paradoxe des pratiques
méditatives : comment une démarche aussi simple (s’asseoir, observer le
fonctionnement de son esprit et accueillir le monde en soi) peut avoir des
conséquences aussi puissantes ? Comment ce détour par notre corps, cette
attention prêtée au mouvement de nos pensées, et ce voyage intérieur immobile
peuvent avoir un tel pouvoir de transformation ? Nous aider à mieux
affronter nos souffrances, à mieux dépasser nos incohérences ? Et déclencher
en nous, régulièrement, d’aussi bonnes vibrations ?
C’est d’autant plus étonnant que lorsqu’on apprend à
méditer, on reçoit dès le début un enseignement à la fois important et
déconcertant : commencer par ne poursuivre aucun objectif, et par lâcher ses
attentes.
Ne pas chercher à être cool, zen, détendu, ne pas chercher à faire le
vide ou à léviter dans sa tête. Se contenter d’être là, présent, à observer les
mouvements de son souffle, à ressentir tout ce qui se passe dans son corps, à
écouter la rumeur du monde autour de nous, à laisser filer ses pensées sans se laisser
aspirer par elles.
Cette démarche qui consiste à établir une qualité de présence
intense et désintéressée, cette démarche de conscience ouverte et attentive est
tellement inhabituelle qu’elle nous ouvre en fait des horizons insoupçonnés !
On
me demande souvent si je n’en ai pas marre, parfois, de méditer ?
« C’est quand même toujours un peu la même chose » me dit-on,
« tu t’assieds sur ton banc, tu fermes les yeux, tu ne bouges pas pendant
20 minutes ; un peu barbant, non ? »
Ben,
non ! Ce n’est pas barbant. J’ai même l’impression que ce n’est jamais
barbant.
C’est un peu comme aller marcher dans la nature, ou randonner en
montagne : on a beau l’avoir fait des dizaines ou des centaines de fois,
on ne s’en lasse pas. Parce que ce n’est jamais exactement la même chose :
chaque balade est différente, selon la saison, l’heure du jour, le ciel qu’il
fait, l’endroit où l’on marche, l’état dans lequel on est.
Et chaque méditation
est différente, nourrie par tout ce que nous sommes en train de vivre et par tout
ce qui se passe autour de nous. Quand on se balade, on ne marche pas seulement pour
atteindre une destination particulière, mais aussi pour le plaisir de marcher.
Et quand on médite en pleine conscience, c’est pareil : on ne cherche pas
à atteindre un état quelconque, mais à se sentir vivant, présent, conscient. Tout
commence par ça ; et à partir de ça, tout peut advenir.
Illustration : une vision un peu idéalisée de la méditation…
PS : ce texte reprend ma chronique du 19 septembre 2017, dans l’émission de mon ami Ali Rebehi, “Grand bien vous fasse”, tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.