L’histoire de nos émotions
Je parlais l’autre jour avec un vieux copain de la manière
dont les humains changent, ou non, avec le temps. Nous parlions, plus précisément, de l’histoire de nos émotions…
Nous avons d’abord discuté de nos proches : « Celui-ci
a beaucoup progressé, il était tellement plus colérique autrefois ! »
« Celle-là, pas vraiment, elle a toujours cette sorte d’angoisse de ne pas
être au centre de toutes les attentions… »
Puis, nous nous sommes penchés sur nous-mêmes, en nous
demandant, bien sûr, si nous aussi nous avions changé…
Évidemment, en l’absence de contradicteurs (et de
contradicteuses : nos épouses n’étaient pas là) nous sommes tombés
d’accord sur le fait que nous, contrairement à Julio Iglesias, nous avions
changé – changé en bien, évidemment – et que les choses continuaient de
s’améliorer, année après année !
Et ce qui avait le plus changé en nous, c’était nos émotions : nous en
sommes vite arrivés à la conclusion qu’avec le temps, nous ressentions moins
d’émotions douloureuses (moins d’anxiété, de découragements, d’énervements…) et
plus d’émotions agréables (curiosité, bienveillance, capacité à savourer…).
Attention ! nous n’étions pas en train de nous raconter des
histoires pour nous rassurer ou nous vanter : les études de psychologie ou
de neurosciences retrouvent clairement ce genre de données chez la plupart des
adultes. Ainsi, avec le temps, les amygdales cérébrales, ces petites zones du
cerveau qui traitent les données émotionnelles, ont tendance à beaucoup plus réagir
aux situations agréables, et moins aux situations désagréables. De même, quand
on avance en âge, notre attention, elle aussi, tend à rester posée moins
longtemps sur ce qui ne va pas, et préfère se tourner vers ce qui va bien.
Le seul point sur lequel nous n’étions pas d’accord était
l’explication de ces changements favorables. Mon copain disait que chez lui, ça
s’était fait tout seul, naturellement, par l’expérience : à force de
traverser des angoisses inutiles, des énervements absurdes, des désespoirs transitoires,
son cerveau avait peu à peu tiré les leçons de tout ça. Un peu comme dans la
formule du philosophe Cioran : « Nous sommes tous des farceurs :
nous survivons à nos problèmes ! »
De mon côté, il me semblait que mes progrès étaient dus à mes
efforts – introspection, méditation, et tous les nombreux chantiers de ma vie
intérieure – ; et que durant les périodes où je relâchais ces efforts, les
émotions toxiques refaisaient vite surface, ou plutôt, reprenaient vite les
commandes dans mon cerveau. Mais après tout, si nos efforts nous font du bien,
cela n’est pas si méchant d’avoir à les maintenir…
Nous avons conclu notre discussion en nous interrogeant sur notre avenir
dans le grand âge : serons-nous devenus totalement sages et apaisés ?
Rendez-vous dans une ou deux décennies, si Dieu nous prête vie…
Et vous, quelles sont les émotions qui ont changé en vous ?
Illustration : amour et bienveillance, des émotions pour réchauffer nos coeurs…
PS : ce texte reprend ma chronique du 30 janvier 2018, dans l’émission de mon ami Ali Rebehi, “Grand bien vous fasse“, tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.