Mourir ou guérir ?
Une petite fille (12 ans) à qui son père annonce que sa grand-mère est malade : elle a du être hospitalisée, et ne pourra pas recevoir ses petits-enfants comme prévu lors des vacances scolaires.
Réponse immédiate : « Elle va mourir ou elle va guérir ? »
Le papa est un peu interloqué par la rapidité et la gravité de la question. Mais c’est comme ça dans la tête de la petite fille : elle sait parfaitement qu’au-delà d’un certain âge, les problèmes de santé ne sont plus toujours anodins. Elle le sait d’autant mieux que son grand-père est mort il y a trois ans. Après avoir été malade et hospitalisé, après avoir du annuler des séjours de vacances. Elle connaît la chanson.
Et puis de toute façon, elle est trop grande pour qu’on lui raconte des bobards. Alors le papa répond de la manière la plus franche possible : « Non, je pense qu’elle va guérir. Et je l’espère vraiment. Mais tu sais, un jour, elle va mourir. Comme tout le monde. Personne ne sait quand : ni elle, ni moi, ni ses docteurs. C’est pour ça que c’est important de la voir à chaque fois qu’on peut, et d’être contents de l’avoir encore avec nous. »
Que peut-il dire d’autre sans mentir ?
Le papa n’a pas rajouté ce qu’il pensait alors : “Tu sais, moi aussi je vais mourir, et toi aussi, un jour. C’est pour ça qu’il faut nous réjouir de vivre et nous aimer de toutes nos forces.”
Mais il est sûr que sa fille l’a pensé toute seule. Inutile d’enfoncer le clou. Et il sent que la dose de gravité supportable a été atteinte dans leur discussion, et qu’il faut prendre un peu de temps pour digérer tout ça. Alors, après un moment de silence, il fait une petite blague à sa fille, pour la faire sourire. Et parce qu’il se sent lui même un peu perturbé…
Illustration : L’esprit des bois, par Odilon Redon, 1880.