Non, non et non ! Les comportements passifs-agressifs

 

« Si on me vexe, je boude ; et je me vexe vite » ; « Quand on ne me demande pas les choses gentiment, je ne les fais pas, ou je les fais mal » ; « Je n’aime pas qu’on me donne des ordres, ni qu’on me fasse des critiques ; mais j’ai du mal à le dire en face ».

Vous les avez reconnus : ce sont les comportements passifs-agressifs ! L’art de montrer qu’on n’est pas d’accord ou qu’on est vexé ou qu’on s’est senti agressé, mais de manière passive, indirecte, et de faire ressentir cette passivité indirecte comme une agression en retour.

Lorsque ces comportements deviennent des manières habituelles de réagir aux demandes, aux ordres, aux critiques, alors on parle de personnalités passives-agressives.

On peut voir les comportements passifs-agressifs comme des stratégies très habiles, consistant à agresser en faisant semblant de ne pas agresser. Et on peut aussi les voir comme un handicap, un manque, une incapacité à prononcer clairement et ouvertement un mot simple

Eh oui, ça paraît simple de dire calmement : « non, non, non, ça ne va pas, et voilà pourquoi… » Mais ça ne l’est pas pour les passifs-agressifs, qui ne sont pas des as en matière de communication. De communication directe, en tout cas ; parce que pour l’indirecte, ils excellent.

La bouderie, par exemple. C’est très clair, la bouderie, comme manière de communiquer : « tu m’as blessé, alors je me mets en retrait et je me tais, et je réponds par un silence offensé à toutes tes demandes d’explications. »

La bouderie est un comportement passionnant. Une des bouderies les plus célèbres de l’histoire est celle du guerrier grec Achille, qui survient après une violente dispute avec le roi Agamemnon (qu’il le traite notamment de ” Sac à vin ! Œil de chien et cœur de cerf ! » ce qui nous montre qu’il avait un registre de comportements plus large que le seul registre passif-agressif) ; puis, énervé et frustré, Achille se retire pour bouder sous sa tente, provoquant par son absence au combat de nombreux revers des Grecs face aux Troyens. Et na, bien fait !

Un autre personnage boudeur célèbre est le jeune baron Côme, dans le roman d’Italo Calvino Le baron perché : houspillé par son père alors qu’il refusait de manger des escargots, il décide de grimper dans un arbre et de ne plus en redescendre jusqu’à nouvel ordre, et na ! Il y passera toute sa vie, perché, et même Napoléon, de passage dans le coin, viendra lui rendre une petite visite…

Si vous avez des boudeuses ou des boudeurs dans la famille, vous savez qu’il y a des stratégies de déboudage plus ou moins efficaces à mettre en œuvre, à base d’un peu d’amour et d’un peu d’humour. En prenant son temps tout de même : il faut laisser à la personne qui boude le temps de se calmer, et ne pas lui donner trop de pouvoir.

Et si vous êtes vous-même une boudeuse ou un boudeur, eh bien la solution pour moins bouder, vous le savez, c’est de parler. Ça ne vous est justement pas facile ? Mais ça se travaille très bien en psychothérapie, au travers d’exercices d’affirmation de soi et d’expression des émotions.

Car finalement, il y a des façons de dire oui qui ne sont pas des soumissions. Tout comme il existe des manières de dire non qui ne sont pas des agressions…

Illustration : un magnifique phoque crabier dans l’Antarctique, assez agressif et pas du tout passif !

PS : cet article reprend ma chronique du 18 mai 2021 dans l’émission de France Inter, Grand Bien Vous Fasse.