Simples mots
Ils n’y sont pour rien, et c’est notre problème davantage que le leur. Mais c’est comme ça : ils y a des mots qu’on aime et d’autres qui nous irritent. C’est bien sûr lié à ce qu’ils veulent dire ; mais aussi à leur usage abusif, et à l’idéologie qui nous semble se cacher derrière eux.
Pour moi par exemple, depuis des années, ce sont des mots tels que : challenge, ou défi. Dès que quelqu’un utilise ces mots dans une phrase, même anodine (« pour moi, c’était un challenge de reprendre le ski après des années sans en faire », « je me suis lancé un défi : arrêter la cigarette ») mon poil se hérisse instinctivement, à l’approche des valeurs de compétitions inutiles qu’ils sous-entendent.
Je sais que pour certaines personnes, notamment chez les thérapeutes, le mot évaluation produit le même effet. Alors que pour moi, il est neutre, voire légèrement positif (un univers psychothérapique sans évaluation représenterait à mes yeux un grand bazar du flou).
Et puis, il y a des mots que j’aime bien, surtout les mots mystérieux et poétiques : j’adore par exemple morganatique ou hypostase. J’oublie régulièrement ce qu’ils veulent dire. Alors je vais fouiner dans le dictionnaire, et je tombe sur d’autres mots poétiques. Le langage est vraiment quelque chose de magique : savoir que des humains ont éprouvé le besoin de mettre des noms sur des objets ou des phénomènes, et que ces noms sont à notre disposition, endormis quelque part dans un dictionnaire, c’est drôle comme ça m’émeut. Quelle chance nous avons d’appartenir à cette espèce !