Vieux rosier


Je ne sais pas si, avec le temps, je deviens de plus en plus émerveillable ?
Je me demande si, en vieillissant, des choses ou des situations qui ne me touchaient pas avant m’émeuvent maintenant ?
Mais en tout cas, il me semble que le grand rosier de mon jardin, celui qui est juste devant la fenêtre de la cuisine, est de plus en plus beau à chaque printemps, qu’il nous offre de plus en plus de roses. Et je me demande si cela va toujours durer ainsi, ces efflorescences de plus en plus incroyables.
Je repense à l’amandier que le peintre Pierre Bonnard adorait et pouvait voir tous les matins sous sa fenêtre : l’année où Bonnard est mort, l’amandier avait connu une floraison extraordinaire, nous raconte son biographe. Comme s’il avait voulu honorer le peintre une dernière fois. C’est d’ailleurs l’ultime tableau auquel il travaillait, celui qui était sur son chevalet lorsque la mort vint le prendre.
Du coup, ça me fait presque peur, toutes ces fleurs…
Doucement, vieux rosier, ne force pas ! On a le temps, nous deux… Bon, en tout cas, quoi qu’il nous arrive, à toi ou à moi, merci pour toute cette joyeuse beauté que tu auras offerte au monde.

Illustration : ce n’est pas mon rosier, mais le tableau inachevé d’amandier en fleur que Bonnard peignait au moment de sa mort.