Book blues


On demande souvent aux auteurs s’ils ressentent, lors de la sortie de leur livre, une sorte de book blues, équivalent du baby blues qu’éprouvent parfois les mamans après l’accouchement. Je n’ai jamais éprouvé cela. Je ressens dans ces moments des états d’âme assez forts et complexes, mais rien qui ressemble au spleen, au sentiment de tristesse et de vide du baby-blues.

Mes états d’âme sont alors davantage un mélange de soulagement, de bonheur, de fierté, et d’inquiétude.

Soulagement, car écrire un livre, c’est beaucoup de travail. Et on est soulagé d’en voir la fin. Je ne sais plus quel auteur racontait qu’il considérait un livre comme terminé non pas quand il estimait que ce dernier était parfait, mais quand il ne pouvait plus supporter de le reprendre, quand il était épuisé. On conclut davantage par épuisement et lassitude que par conviction que le travail est totalement achevé. Dès que le livre revient de chez l’imprimeur, on en voit instantanément les faiblesses et ce qui aurait pu être mieux.

Bonheur, car j’aime bien mes livres. Ils ne sont pas parfaits, mais ils sont sincères. J’y ai toujours mis le meilleur de mes convictions pour aider les lecteurs à y voir plus clair. Et j’ai le grand confort de n’avoir honte d’aucune de mes productions. J’adore ce moment très spécial dans la vie d’un auteur où on tient le premier exemplaire de son livre imprimé entre les mains, on le soupèse, on renifle l’odeur du papier. Et cet autre moment où on fait ce qui s’appelle le « service de presse » : entrer dans une pièce où des piles entières de votre bouquin attendent vos dédicaces pour être envoyés aux journalistes.

C’est gratifiant (on ressent comme une fierté presque incrédule de se dire : « c’est moi qui l’ai fait !? ») et inquiétant à la fois. C’est que c’est inquiet, un auteur ! Au début de l’écriture, il se demande s’il arrivera à faire un livre de toutes ses idées et ses intuitions. Au milieu, il se demande s’il a choisi le bon angle, le bon plan, s’il ne faut pas tout reprendre à zéro (et il le fait, parfois). À la fin, il commence à s’interroger sur l’intérêt et l’utilité de son livre pour ses lecteurs. Y aura-t-il des gens pour me lire ? Puis pour aimer ce qu’ils ont lu ?