Flexibilité du corps et de l’esprit

 

Nous parlerons ici de flexibilité, celle du corps – merci le yoga ! Et de celle de l’esprit – merci la méditation !

Quand j’étais petit garçon, il y avait chez mes parents un livre sur le yoga. Je l’aimais beaucoup parce qu’on y voyait de nombreuses photos d’une assez jolie dame en tenue moulante en train d’y accomplir mille et une postures exotiques. C’était un premier contact réussi, mais davantage grâce aux formes de la dame que grâce aux vertus du yoga.

Ma deuxième rencontre avec le yoga se produisit bien plus tard, à la suite de lumbagos à répétition. Je découvris alors que j’étais raide comme une planche et que j’avais intérêt à gagner un peu en flexibilité. Ce que je fis, et à la suite de quelques cours et quelques stages, je n’eus plus, ou presque plus, de lombalgies.

La troisième rencontre, ce fut à l’hôpital Sainte-Anne, grâce à mon ami Florent, infirmier et professeur de yoga, qui animait des groupes à l’intention de nos patients, auxquels cette pratique faisait beaucoup un bien fou, si j’ose dire.

Puis, à force de lecture, j’ai découvert que le yoga n’était pas seulement une sorte de gymnastique douce et exotique, mais aussi une philosophie de vie, du moins une philosophie du rapport à soi et à son corps, dont les origines indiennes apportaient un souffle nouveau à notre manière occidentale d’envisager les rapports entre le corps et l’esprit…

Mais, si la flexibilité du corps est précieuse, celle du cerveau l’est plus encore ! Eh oui, la flexibilité psychologique est une compétence précieuse, que l’on commence à étudier de manière approfondie.

Il s’agit de la capacité à assouplir, ou parfois modifier, certaines habitudes de pensée, certains préjugés, certains stéréotypes, certaines manières de raisonner.

Je dis bien « certaines » habitudes et « certains » préjugés. Parce que justement, les recherches scientifiques montrent que notre esprit a besoin, pour nombre de situations quotidiennes, de disposer d’automatismes de pensée, qui nous permettent de réagir vite, en économisant le passage par de longues délibérations intérieures.

Mais tout de même, dès que les situations deviennent plus compliquées, notamment dès qu’il s’agit d’échanges entre humains, nous avons évidemment grand intérêt à ne pas laisser notre esprit aux mains de nos préjugés.

Ainsi, si je croise dans la forêt un monsieur moustachu vêtu d’un treillis et porteur d’un fusil, le stéréotype « chasseur » va surgir très vite à mon esprit, et orienter ma manière d’entrer en contact avec lui, le choix de mes sujets de conversation, voire mon jugement sur sa personnalité toute entière.

Mais ce stéréotype ne me permettra pas de découvrir, éventuellement, que ce monsieur joue aussi du violon et qu’il est un lecteur assidu de Descartes. Voire qu’il ne tire presque jamais sur du gibier, mais qu’il s’habille comme ça pour le plaisir de prendre l’apéro avec les copains. Si je veux découvrir tout cela, je vais devoir faire preuve de flexibilité psychologique.

Ce qui consiste simplement à poser des questions, à écouter les réponses, et à toujours se dire que les humains sont infiniment plus compliqués et intéressants que nous ne le pensons a priori. Questionner plutôt que parler, écouter, chercher à comprendre : ce sont des principes simples, simplistes diront certains. Mais regardons-nous faire, ou regardons ce qui se fait autour de nous : pour simples qu’ils soient, ces principes sont-ils si souvent appliqués ?

Une autre manière de travailler sa flexibilité psychologique, c’est la méditation, cette sorte de yoga mental, durant laquelle on passe beaucoup de temps à observer le fonctionnement de son esprit, à en débusquer les mille et une rigidités, à suspendre ses jugements pour voir si le réel nous apparaît alors différent.

Le problème, c’est que c’est fatigant, de se remettre ainsi en question. Et que ce n’est pas drôle, de découvrir à quel point notre cerveau est encombré de stéréotypes, de raideurs et de préjugés.

Mais il est encore moins drôle de leur être soumis sans même le savoir…

 

Illustration : une antique K7  des années 1960, retrouvée par un ami dans une brocante…

PS : cet article reprend ma chronique du 29 juin 2021 dans l’émission de France Inter, Grand Bien Vous Fasse.