Héros positifs
J’ai beau être psy, je n’ai pas toujours une conscience exhaustive de tout ce qui m’a construit et me motive à m’engager sur telle ou telle voie dans ma vie d’adulte. Même s’il me semble être à peu près au clair avec moi-même, j’ai régulièrement des prises de conscience surprenantes sur ce qui m’a construit.
Par exemple, ma motivation pour la psychologie positive, et mon aversion pour les propos qui critiquent les bonnes intentions, la gentillesse, etc. J’ai pourtant fait mes études de médecine et de psychiatrie à une époque où ce n’était pas du tout « tendance » et où on aimait bien dénigrer les bons sentiments. Je faisais semblant moi aussi, parfois. Mais je me sentais toujours mal là-dedans, et quelque chose en moi me faisait irrémédiablement préférer les gentils, et les trouver non pas plus niais mais plus intelligents que les malotrus égoïstes.
Et l’autre jour, j’ai compris un bout de cette motivation. C’était dans une librairie, où je suis tombé en arrêt devant un gros bouquin consacré à l’histoire du journal pour enfants, Pif le Chien.
Je le feuillette, et tout à coup je me sens chavirer : tous mes héros d’enfance sont là ! Je revois mon grand-père, militant communiste, m’offrir chaque semaine mon exemplaire de Vaillant, devenu ensuite Pif-Gadget. Il ne me faisait jamais de la morale, mais à mes yeux il l’incarnait. Je revois nos promenades en solex, sans casque à l’époque, moi installé debout dans l’espace entre ses bras, accroché au guidon.
Je découvrais à l’époque Rahan, l’homme préhistorique qui protégeait les faibles aux temps des « âges farouches ». Docteur Justice qui parcourait le monde pour – comme son nom l’annonçait – corriger les injustices. Teddy Ted, Ragnar, Nasdine Hodja… Tous véhiculaient une vision du monde fraternelle et égalitaire, un engagement simple pour le bien.
Je feuillette l’album et je réalise soudain que ces héros m’ont nourri au-delà de ce que j’imaginais. Non pas que je sois aussi fort, généreux ou courageux qu’eux : j’en suis loin, très loin, vraiment. Mais en ce que ce j’adhère totalement, sans malice ni méfiance, à leur discours : ce monde n’est pas vivable sans idéaux ni bonnes intentions.
On peut s’en moquer et ricaner. Mais je m’en fiche : ces héros généreux et altruistes représentaient pour moi la ligne d’horizon. Il me reste encore à marcher beaucoup, mais je sais que c’est par là que je veux aller, que je dois aller. Surtout pas du côté opposé : négativisme, cynisme ou médisance. Comment fait-on pour respirer là-dedans ?