La psychologie positive : naïve ou lucide ?
La psychologie positive est une psychologie des ressources : il s’agit de s’appuyer sur ce qui va bien, en nous et autour de nous, pour mieux affronter ce qui ne va pas bien. C’est une discipline plus complexe qu’il n’y paraît, et qui ne se résume pas à « positiver ». Pour autant, elle propose un entraînement à base d’exercices simples (en apparence), comme celui de la « réorientation positive » de notre regard sur le quotidien.
Cela se pratique hors de chez soi, dans un bus, un métro, un train ; ou dans la rue, installé(e) à une terrasse de café, pour prendre votre temps et joindre l’utile à l’agréable.
Il s’agit d’observer les passants ou l’environnement, et d’en extraire dix scénarios favorables (imaginés mais réalistes) :
1) Ce monsieur âgé qui passe en marchant doucement ? Je me raconte qu’il a eu une belle vie passionnante, et qu’il coule une retraite heureuse, malgré quelques soucis de santé ;
2) Ce couple de touristes ? Ils visitent Paris pour la première fois et sont ravis ;
3 Ce jeune livreur en vélo ? Il fait un boulot difficile mais qui lui permet de financer ses études, il sera diplômé dans quelques années ;
4) Il y a beaucoup de monde ? Mais pas de bousculade, les gens s’évitent poliment sur le trottoir ;
5) Cette jeune fille là-bas, qui marche vite, va retrouver son amoureux ;
6) Tous ces gens vivent en démocratie, dans un pays, le nôtre, où les droits civiques sont respectés ;
7) Aujourd’hui il fait beau, ça fait du bien après une période grise et pluvieuse ;
8) Une musique entraînante sort par la vitre baissée d’une voiture arrêtée au feu rouge ;
9) Sur le mur, une affiche annonce une exposition à venir dans un musée, ça va être magnifique ;
10) Une ambulance passe, les voitures s’écartent, voilà quelqu’un qui va bientôt arriver à l’hôpital et être soigné.
Vous trouvez que rien de tout cela n’est certain ? Bien sûr ; peut-être que la jeune fille qui marche vite cherche juste des toilettes ! On peut même faire l’exercice opposé : imaginer des scénarios sinistres pour chaque chose vue, et se dire que le monsieur âgé qui passe est veuf et malheureux.
Mais, positives ou négatives, ce ne sont que des hypothèses. Et le but de l’exercice c’est de nous entraîner à envisager des scénarios positifs au lieu de laisser glisser spontanément notre esprit vers le négatif, sous l’effet du stress, de la déprime ou de l’habitude.
Régulièrement répété, ce travail élargit peu à peu notre regard : nous ne devenons pas aveugles à ce qui ne va pas (aucun risque, l’adversité se rappelle toujours à nous) mais nos yeux s’ouvrent de plus en plus sur ce qui va bien. Et c’est ça qui va nous donner la force de voir et d’affronter ce qui va mal.
Sans l’énergie du positif, nous sommes moins forts face au négatif !
Allez, on commence aujourd’hui : on lève la tête, on regarde le monde avec un œil neuf, et on imagine dix belles histoires. Ce serait bien le diable qu’il n’y en ait pas trois ou quatre qui tombent juste !
Illustration : un appareil pour voir les choses de la vie de manière plus positive (Expérience de Lavoisier réalisée dans les années 1770, illustration extraite de l’ouvrage Œuvres de Lavoisier. Publiées par les soins de son Excellence le Ministre de l’Instruction Publique et des Cultes, 1862). Sinon, vous pouvez aussi vous entraîner à l’exercice décrit dans ce billet…
PS : cette chronique a été publiée à l’origine dans Psychologies Magazine en avril 2023.
PPS : Merci à Gilles pour l’inspiration.